Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 390

Qu’est-ce qu’un indigène ? Quand l’histoire s’intercale

Il y a longtemps que je n’avais pas croisé P. Du coup il m’a raconté ses malheurs, son logement présenté insalubre dont il va être expulsé pour être relogé ailleurs alors qu’il voulait l’acheter. « J’ai pris un avocat ». P. continue en accusant D. de prendre dans les caisses des associations. Je n’ai d’avis sur aucune de ces informations (je suis ami avec les accusés), mais surtout, je peux ne pas en avoir. C’est pour cela que je ne suis pas indigène en ce lieu.

Tout est différent dans les communes de mes parents. Quand le maire de l’une se dévoue pour remplacer mon permis de chasse perdu, il sait que son grand-père a volé une « pièce de pins » au mien, et il sait que je le sais. L’histoire s’intercale entre nous alors que ni lui ni moi ne sommes responsables de ces événements. Je pourrais trouver des relations analogues dans la commune de mon père. C’est ça, être indigène, être condamné à assumer une histoire sur laquelle on n’a aucune prise. Ce n’est donc pas une question d’ancienneté mais de place dans le déroulement du temps même si, plus on est là depuis longtemps, plus on est amené à s’inscrire dans les conflits et les oppositions. Ne serait-ce pas la fonction des conflits de voisinage ? Je refuse cette explication « holiste ». Pourtant je ne veux parler à un imbécile qui a cherché des noises à un instituteur il y a plus de vingt ans. Alors, je deviens indigène.

Bernard Traimond

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Un commentaire pour Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 390

  1. Xavier Dumoulin dit :

    Le pire dans ces histoires, serait-ce donc ce passé qui ne passe pas ou ces arrières pensées qui plombent toute velléité de dépassement du conflit? Je veux dire que par-delà l’intériorisation des postures d’autres générations, qui inhibe quelque peu la parole des protagonistes respectifs de cette mémoire, il y aurait l’idée d’une légitimité du dit conflit soit pour justifier la posture des siens soit pour la diaboliser en miroir du regard de l’autre. On est un peu là dans le processus attendu des indigènes de la république. Pour le reste Marx avait bien raison qui disait que le poids des générations mortes pèse sur les générations vivantes !

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