TRAM B – EPISODE 1
Tous les matins, le même rituel :
– Arriver à l’arrêt Bergonié, entre 7h45 et 8h,
-Toiser le monde qui attend sur le quai.
– Deviner si le tram sera plein en fonction du nombre de personnes présentes, si on pourra monter, si on devra en laisser passer un, deux…
-Choisir sa place sur le quai pour viser directement l’endroit où s’ouvrent les portes afin de pouvoir monter (sans pouvoir anticiper la malchance si les portes sont condamnées et estampillées « HORS SERVICE », auquel cas, vous risquez de devoir laisser partir le tram sans vous).
-Jauger sa détermination : « ce matin, je monte dans le premier quoi qu’il m’en coûte. » Ou « Pas envie d’être prisonnière, envie de bouger mes bras si j’ai envie de me gratter le nez, pas envie d’être écraser sur la porte ».
-Attendre éventuellement le suivant.
Il est vrai que le flot de lycéens ou collégiens de Saint Genès qui descendent selon l’heure, libèrent quelques places, et qu’il est plus facile de monter à cet arrêt qu’au suivant.
On se regarde entre « vieux ». Peu de personnes de mon âge, un flot d’étudiants pour aller sur le campus : combien sont-ils ? 150, 200 ? Plus ?
-Ce matin-là, j’arrive à me faufiler devant des places, prises bien entendu, mais je ne suis pas restée au seuil des portes. Une personne que j’estime âgée (mon âge environ) est assise dans un confort relatif. Nos regards se croisent pleins de compassion.
Et là, stupeur : elle me dit « Prenez ma place ! » – Je suis à la fois interloquée, surprise, et vexée et pense une fraction de seconde « Merde, j’ai pris un coup de vieux à ce point là ? J’ai son âge voir moins ! » Et devant ma stupeur, elle rajoute » je descends au prochain ! »
Me voilà réconfortée, c’était juste de la solidarité de vieilles !
Olivia Wallig Negré
antropologia bordeaux 