Chroniques d’un anthropologue au Japon (64)

Sucette

Je n’écris que dans le train. J’écris lorsque je n’ai pas envie de lire, ni d’écouter de musique, ni envie de dormir. J’écris donc peu en ce moment.

Ce matin, il est 8 heures, dans le train. Tout le monde porte un masque. Par habitude, par mimétisme, parce qu’il fait froid, parce que c’est fatiguant de se maquiller ou de se brosser les dents. Je rentre dans le wagon, fatigué, tête baissée, pour éviter de croiser les regards. Finir ma nuit tranquillement derrière mon masque. Mes yeux tombent sur une paire de jambes nues, perdue au milieu des pantalons noirs. Un peu plus haut, une jupe plissée grise courte, sur laquelle tombe un pull de marque Playboy, que je reconnais grâce au petit lapin rose brodé à gauche au niveau de la poitrine. La fille ne doit pas avoir plus de 14 ans. Je regarde son visage, et m’aperçois qu’elle ne porte pas de masque. Une sucette dans la bouche, elle caresse son smartphone tout en lançant aux travailleurs aigris qui l’entourent des regards méprisants.

Oh, tendre jeunesse rebelle ! Regarde-moi aussi, méprise-moi aussi. Le train s’arrête, la nymphette sort, le train repart. J’espère encore. Sur le quai elle finit par tourner la tête vers moi, en prenant un air dégouté. Je ferme les yeux et m’endors, satisfait. Une belle journée s’annonce.

Rémi Brun

Publicité

A propos antropologiabordeaux

Association loi 1901
Cet article a été publié dans Chroniques d'un anthropologue au Japon. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s