Je l’ai vu !
Ce matin, dans la gelée, battue aux sangliers. Mais il y avait dans les parages un cerf dont le plan de chasse impose la capture. A la craie au tableau noir est présentée la zone à « fermer » que pour une fois je localise, c’est mon « quartier ».
Je propose à Claude de le suivre :
– le chemin est mauvais, me dit-il.
– je peux passer partout.
– …; il faudrait des carabines (Je n’ai que mon fusil, aussi vieux que moi)
Bref, il ne veut pas de moi, ce que je conçois aisément, mais pour ne pas me le dire, il multiplie les faux prétextes.
Je pars donc avec d’autres et m’installe au bord de la route avec sur la tête cette ridicule casquette – j’avais un béret rouge, interdit depuis – que nous imposent les ministres de l’environnement. Des chiens passent, reviennent, des coups de fusil au loin. Nous abandonnons nos postes, je pars vers le nord, puis suivant les ordres, je reviens au même endroit. Très vite, mon voisin tire deux coups, et puis, trop loin pour tenter de le tuer, je vois dans un éclair, immense, rapide et élégant, le cerf, reconnaissable à ses bois, traverser la route.
C’était la première fois en battue et si près.
Bernard Traimond